Le 22 octobre 2019, quand Emmanuel Macron, était arrivé à Mamoudzou, la préfecture de Mayotte, Estelle Youssouffa, toute de blanc vêtue et drapée dans un drapeau tricolore, avait tenté, en vain, de franchir les cordons sécuritaires dressés autour du président de la République. Jusqu’à être embarquée, placée en garde à vue puis mise en examen pour « troubles à l’ordre public » et « rébellion », griefs qui ont abouti à un non-lieu quelque deux ans plus tard, en septembre 2021.
Mardi 21 juin 2022, c’est toute de noir vêtue et portant en écharpe le kichali rouge brodé de fleurs jaunes d’ylang-ylang qu’arborait Zéna M’Déré, la cheffe de file du mouvement des Chatouilleuses dans les années 1970 – des femmes qui ont lutté pour que Mayotte ne soit pas rattachée aux Comores –, que la présidente du Collectif des citoyens de Mayotte, élue députée de la 1re circonscription de Mayotte, a fait son entrée à l’Assemblée nationale et a pu poser fièrement dans l’Hémicycle. Celle que les Mahorais ont surnommée « poutou mgowa » – rien à voir avec le candidat du NPA à l’élection présidentielle –, en shimaoré « Piment oiseau », un petit piment qui pique très fort, devrait même être reçue, lundi 27 juin, à l’Elysée par le conseiller outre-mer du chef de l’Etat.
Pour piquer, elle pique, cette ancienne journaliste de 43 ans, née d’un père mahorais sous-officier de la marine nationale et d’une mère métropolitaine infirmière au centre hospitalier de Mayotte, diplômée en journalisme et en relations internationales, qui a exercé, entre autres, sur LCI, TV5 Monde, France 24, Al-Jazeera, avant de devenir consultante en affaires internationales. Mais, surtout, depuis le mouvement social du printemps 2018, elle est devenue la principale porte-parole du Collectif des citoyens de Mayotte. Et la bête noire des autorités de l’Etat, qui redoutent chacune de ses interventions, ponctuées d’un « Ra hachiri » – « nous sommes vigilants ».
Interlocutrice incontournable
Qui aurait imaginé que cette agitatrice dotée d’un redoutable sens de la repartie, qui maîtrise à merveille l’usage des réseaux sociaux mais ne s’appuie sur aucune formation politique, pût accéder à l’Assemblée nationale ? Ses positions radicales sur l’immigration comorienne et la sécurité, ses mises en cause outrancières de l’Etat lors de la crise liée au Covid-19 – « Mayotte la pestiférée est devenue l’angle mort d’une République qui gesticule », écrivait-elle alors –, vues de la métropole, n’en faisaient pas une partenaire crédible. L’exécutif préférait miser sur des arrangements avec les élus locaux.
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La Source: Le Monde